La société houillère de Flines-les-Râches

Monique HEDDEBAUT

Dès 1835 les différentes compagnies minières s’activent pour trouver du charbon dans les environs de Douai. En 1841 le forage d’un puits artésien révèle la présence du charbon à Oignies et l’infléchissement de la couche carbonifère en direction de Béthune. Un sondage opéré le 13 juin 1846 à l’Escarpelle (Roost-Warendin) révèle à 151 mètres la présence du terrain houiller au-delà de Douai. Ces deux dates marquent le début de l’exploitation de ce gisement particulièrement fécond qui s’arrête aux premiers contreforts des collines de l’Artois. Elles ouvrent la voie aux grandes concessions du Pas-de-Calais. La direction générale du gisement est désormais connue. Entre 1852 et 1855 neuf concessions sont attribuées pour le bassin du Pas-de-Calais. 

La société houillère de Flines-les-Râches

Les recherches s’accélèrent, les sondages se multiplient. Il apparaît que le secteur de Flines est situé en bordure extrême des terrains carbonifères. Une concession est demandée le 27 juillet 1891 et accordée le 9 août 1892. La Société houillère de Flines-les-Râches est constituée en juin 1893, d’abord sous forme de société civile, puis en société anonyme en octobre 1896. Cette compagnie compte parmi les dernières du bassin houiller du Nord-Pas-de-Calais.

La concession s’étend sous les communes de Thumeries, Moncheaux, Faumont, Raimbeaucourt, Roost-Warendin, Flines-les-Râches, Anhiers, Coutiches, Marchiennes et Vred. Elle a une superficie de 2850 hectares. Le tonnage disponible dans la concession est estimé à quatre millions et demi de tonnes minimum. La production est classée dans la catégorie des houilles maigres. Ce sont des anthracites remarquablement purs. 
Les mines de Flines sont exploitées par deux sièges, celui de la « fosse Saint Charles n°1 » et celui de la « fosse n°2 de Flines à Anhiers ». L’exploitation proprement dite commence le 1er juillet 1897. Les installations sont mises en communication le 1er décembre 1905.
La population de Flines et Anhiers qui a stagné pendant le dernier quart du XIXe siècle, augmente brusquement. L’ouverture des mines en 1897 entraîne un afflux de population . Les deux villages comptent respectivement 4 074 et 428 habitants en 1896. Ils connaissent une augmentation de 469 personnes en 1901 et de 201 en 1906. La poussée démographique liée à la mise en route des installations s’exerce plus sensiblement à Anhiers qui compte 44 % d’habitants de plus en 5 ans . 

Il s’agit d’une main d’œuvre extérieure qui s’établit très rapidement sur le lieu de travail, contrairement aux déclarations de la compagnie. La Société houillère de Flines qui compte au 15 juin 1905, 770 ouvriers et employés, dont 600 au fond et 170 au jour, n’éprouve pas la nécessité de construire des maisons ouvrières. Elle affirme en juin 1905 que le recrutement se fait « assez facilement jusqu’à présent grâce à la proximité d’agglomérations importantes et à la facilité des moyens de communication ». Pourtant de nombreuses petites maisons de plain-pied avec une porte et une fenêtre, sans aucun confort et destinées aux mineurs, apparaissent, notamment à Anhiers. Quelques commerces s’implantent. Au début du XXe siècle est construit le « coron Lespagnol », face au carreau de mine de la fosse n°2, de l’autre côté du mur de clôture. Cet ensemble de six habitations comprend à chaque extrémité un estaminet avec son jeu de billon, au centre une boucherie et une boulangerie, dont le four a disparu il y a quelques années. 

Les équipements

Le premier puits ou « fosse Saint Charles n°1 » est commencé en 1895 et poussé jusqu’à 235 mètres de profondeur pour arriver assez rapidement à 309 mètres en 1905. Le niveau de l’accrochage inférieur est alors à 300m. On extrait à la fois par les étages 226 et 300. Cinq veines dont l’épaisseur varie de 0, 55 à 0,80 mètre sont exploitées, puis deux en 1918.

Le puits est équipé d’un chevalet métallique et d’une machine d’extraction de 300 CV, d’un lavoir à piston qui permet de traiter tous les produits. Le criblage peut traiter 125 à 150 tonnes à l’heure et permet la classification des différentes catégories, la reconstitution des tout-venants et les mélanges de toute nature.

Le second puits ou « fosse n°2 de Flines à Anhiers » commencé en 1898, atteint une profondeur de 307 mètres. L’exploitation a lieu aux étages 212 et 292. Le faisceau du n°2 comprend en 1905 cinq veines, trois en exploitation et deux en préparation, dont l’épaisseur varie entre 0, 60 et 0, 70 mètre. On trouve une machine d’extraction de 350 CV. Lavoir à piston et criblage sont de même type qu’à la fosse n°1. 
La première usine à boulets démarre en janvier 1898 et peut fabriquer par poste de douze heures 100 tonnes de petits boulets. La seconde usine commence à fonctionner en octobre 1902.

La Société extrait la première année 51 325 tonnes et arrive rapidement à 133 881 tonnes en 1898. De 1902 à 1913 l’extraction se stabilise pour atteindre une production annuelle qui oscille entre 117 000 et 146 000 tonnes pour les deux puits.

Les installations sont reliées à la gare de Râches, l’une des stations de la ligne Douai-Orchies, par un embranchement de 4 kilomètres. Cette ligne longue de 20,6 kilomètres a été mise en service commercial le 11 décembre 1880. La Compagnie assure elle-même sa traction au moyen de deux machines-tender et d’une locomotive de manœuvre. Le charbon est également embarqué au rivage de Lallaing, sur la Scarpe inférieure, car la direction a acquis en 1896 un quai de 100 mètres de longueur. 

La coexistence avec les cultivateurs qui exploitent les terres du marais est source de litiges. En 1898 et 1899 les pétitions et les réclamations des riverains contre la Compagnie qui déverse les eaux de la mine dans la Scarpe et noie les terres, sont fréquentes et relayées par le conseil municipal de Flines. De 1905 à 1911 les communes riveraines auxquelles s’associe Lallaing, s’emploient à faire payer à la compagnie l’entretien et la restauration des chemins du Marais des Six-Villes qui sont devenus impraticables, car affaissés ou inondés. La voie de halage utilisée principalement pour le transport du charbon par péniches est devenue désormais trop étroite. Les élus décident d’obliger les mines à construire un chemin parallèle.

La grève de 1906

Les compagnies doivent à faire face à une grève quasi-générale en France en 1902. Les mineurs réclament le relèvement des primes qui ont baissé suite à la chute des prix de juin. Ils n’obtiennent pas satisfaction. En 1903 la Fédération des mineurs du Nord-pas-de-Calais revendique l’augmentation et la réglementation des salaires, leur contrôle par le double carnet de paie , ainsi que la majoration des pensions et retraites en cas d’invalidité prématurée. La Confédération Générale du Travail prépare pour le 1er mai 1906 une grande manifestation de tous les corps de métier en faveur de la journée de 8 heures. C’est dans ce contexte de crise qu’éclate l’effroyable catastrophe de Courrières le 10 mars : un coup de grisou provoque la mort de 1 101 mineurs.

Le 14 mars 1906 se déclenche à Ostricourt, Dourges et Courrières une grève qui gagne tous les jours du terrain. Bientôt 50 000 mineurs déposent les outils. Ceux-ci réclament les « quatre 8 » : 8 heures de travail, 8 heures de repos, 8 heures de sommeil et 8 francs par jour. Le 19 mars la totalité des 800 mineurs de la Compagnie de Flines est également en grève .

Clémenceau met fin à cette grève en la réprimant vigoureusement. Les sociétés minières négocient la reprise du travail. Les directeurs des compagnies d’Aniche, de l’Escarpelle et de Flines, Lemay, Thiry et Soulary, se réunissent le dimanche 29 avril à Douai avec les membres du bureau du syndicat des mineurs du Bassin du Nord, en présence du sous-préfet Morain. L’accord définitif est établi et la reprise décidée. Il n’y aura aucun renvoi pour fait de grève, sauf pour ceux des ouvriers qui sont « objet de condamnation ayant force de chose jugée ». Trois mineurs de Flines et d’Anhiers sont pourtant « condamnés en police correctionnelle ». La direction comptabilise 21 700 journées de travail perdues par les ouvriers du fond et 4 650 pour ceux du jour, ainsi qu’une perte de salaire de 90 000 fr. La direction de Flines accepte, contrairement aux autres, d’accorder la « fiche de quinzaine par brigade, en outre de la fiche individuelle (comme pour l’Escarpelle) ». Salaires et primes sont augmentés . Mais, en réalité, les mineurs n’ont pas véritablement obtenu gain de cause. Ils reprennent néanmoins le travail le 1er mai à l’issue d’un conflit de 43 jours. 

La fin de la Compagnie de Flines 

Les puits restent en activité pendant la première guerre. Les installations sont détruites par les Allemands sur le départ . Les galeries sont inondées. Les mines seront néanmoins dénoyées et rééquipées de 1919 à 1921, ce qui est le cas de toutes les installations du Douaisis. Les compagnies minières s’emploient à rétablir toutes les exploitations dès la fin de l’occupation. En effet, dès 1917, un regroupement des compagnies des houillères envahies s’est organisé avec les sociétés de Lens, l’Escarpelle, Aniche et Anzin pour planifier la reconstruction à la fin du conflit. Elles bénéficieront des dommages de guerre.

En 1918 les effectifs ont chuté : il reste 247 ouvriers et employés, dont 148 au fond et 99 au jour. A la fosse n°1 l’extraction a été arrêtée en 1914 après avoir produit 1 684 000 de tonnes de charbon maigre. Les chiffres pour la fosse n°2 qui restera un peu plus longtemps en exploitation s’élèvent à 608 000 tonnes. 

La demande en charbon gras est alors plus importante, tandis que le point fort de la production de Flines est l’anthracite. Les veines sont de taille insuffisante. La Compagnie de Flines cesse alors d’exister : elle est rachetée par la Compagnie d’Aniche le 13 janvier 1922.
Le puits n°1 sert de retour d’air jusqu’en mars 1939, puis d’entrée d’air de mars 1939 à août 1948 pour la fosse Bonnel (Lallaing). Le puits n°2 profond de 379 mètres est équipé de ventilateurs et utilisé pour le retour d’air de la fosse Bernard (Frais-Marais) qui s’arrêtera en 1958. Le puits est remblayé en 1959. La lampisterie et les grands bureaux sont transformés en habitation, puis détruits dans les années 70.
« A la fin de la seconde guerre sont édifiés au n°1 et au n°2 des baraquements par des prisonniers allemands qui y logent jusqu’à la Libération. Ils sont gardés par des tirailleurs marocains. Habitent ensuite dans ces baraquements transformés, des travailleurs étrangers recrutés par les Houillères. A Anhiers treize nationalités - quelques Italiens et une majorité de mineurs venus d’Europe centrale - se côtoient. Rares sont les Français d’origine ». 

Les traces de l’exploitation minière sont encore visibles principalement à Anhiers. De la fosse Saint Charles à Flines, ne subsiste qu’un terrain en friches en bordure de Scarpe. La carcasse du chevalet en béton de la fosse n°2 se dresse toujours à l’entrée de la commune d’Anhiers. Les molettes ont été démontées. La maison du garde construite dans les années 20 sert d’habitation aux actuels propriétaires. Les baraquements de la fosse n°2 ont été détruits à la fin des années 70 pour faire place au lotissement du Moulin. Le logement du « directeur » a été racheté aux Houillères voici quelques années et fait l’objet d’une restauration assez fidèle à la structure originelle. Le « coron Lespagnol » devenu propriété des Houillères a été vendu à des particuliers, notamment des anciens mineurs. Certaines des petites maisons ouvrières de plain-pied sont encore visibles dans la rue principale. Les terrils de schistes le long de la Scarpe qui jouxtaient les installations ont été employés à la consolidation des berges de la Scarpe entre 1947 et 1950, ainsi qu’à la construction de routes. Ce qu’il en reste est maintenant progressivement colonisé par la végétation. 

Sources :

Annexe :

Évolution de la population à Flines et Anhiers 

  1872  1881  1886  1891  1896  1901  1906  1911
Anhiers  436  451  421  409  428  617  690  733
Flines  4165  4187  4058  4016  4074  4354  4542  4592